Lors d'une conférence de presse tenue le weekend dernier à Kindu, le Chef de travaux Victor Ofango Ikysi-Aikande, avocat au barreau du Maniema et chercheur indépendant, a apporté un éclairage technique et rigoureux sur la procédure de référé-liberté en droit congolais, mécanisme essentiel mais encore trop peu utilisé pour contrer les abus de l'administration.
Comme l'a précisé ce praticien de droit, "l'administration publique dispose de prérogatives exorbitantes du droit commun : expropriation, actes unilatéraux, sanctions contractuelles. Ces pouvoirs, nécessaires au service de l'intérêt général, doivent cependant respecter le principe de légalité."
Le paradoxe est connu : une décision administrative, même illégale, s'applique immédiatement en vertu du "privilège du préalable". L'administré qui la conteste doit en principe suivre des voies de recours internes pouvant durer jusqu'à 270 jours, un délai inadapté aux situations d'urgence.
*La révolution du référé-liberté : article 17 de la loi 16/027*
Face à ce défi, la loi du 10 octobre 2016 a introduit une innovation majeure : "Le référé-liberté permet au juge administratif d'intervenir en 48 heures maximum lorsqu'une liberté fondamentale est menacée par une décision manifestement illégale", a expliqué le chercheur.
Trois conditions strictes s'appliquent :
1. Atteinte à une liberté fondamentale (art. 12 de la Constitution)
2. Urgence caractérisée
3. Illégalité manifeste de l'acte
*Un mécanisme sous-exploité malgré son potentiel*
Pourtant, comme l'a constaté Me Ofango, "ce recours reste paradoxalement peu utilisé, souvent par méconnaissance des justiciables comme des praticiens". Certaines juridictions administratives congolaises n'auraient enregistré que quelques dizaines de demandes depuis 2016.
L'expert insiste : "Ce n'est pas un recours de complaisance. Le juge exige des preuves solides de l'illégalité et de l'urgence. Mais lorsqu'elles sont réunies, c'est un outil redoutable contre l'arbitraire."
*Perspectives : vers une meilleure effectivité des droits*
Pour le conférencier, la vulgarisation de ce mécanisme doit devenir une priorité : "Chaque citoyen devrait savoir qu'il existe des moyens rapides de contester des décisions administratives attentatoires à ses droits fondamentaux."
Rédaction.