La décision de l’Assemblée nationale congolaise d’autoriser les poursuites judiciaires contre le ministre d’État en charge de la Justice, Constant Mutamba, ne réjouit pas que ses adversaires politiques. À Kigali, c’est l’euphorie. Le Rwanda y voit une victoire politique, voire idéologique, contre un adversaire redouté.
La scène politique congolaise s’enflamme après la décision prise dimanche 15 juin 2025 par l’Assemblée nationale, autorisant les poursuites judiciaires contre Constant Mutamba Tungunga, ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux. Poursuivi par le procureur général près la Cour de cassation pour un présumé détournement de fonds liés à la construction d’un centre pénitentiaire à Kisangani, le ministre Mutamba fait désormais face à la justice. Mais au-delà du vernis institutionnel, cette affaire prend une tournure géopolitique inattendue.
À Kigali, la réaction n'a pas tardé. Dans un tweet daté du 16 juin, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, s’est ouvertement félicité de la décision de l’Assemblée nationale congolaise, qualifiant ce moment de retour de bâton mérité contre ce qu’il considère comme de la "xénophobie, du populisme et une idéologie du génocide anti-Rwanda".
Une déclaration qui en dit long sur la lecture régionale de cette décision. Kigali ne se contente pas d’observer : il revendique une victoire diplomatique. Ce triomphalisme soulève de lourdes interrogations. Car si un adversaire stratégique de la RDC se réjouit d’un acte de justice interne, c’est peut-être le signe que cette procédure judiciaire dépasse le simple cadre du droit.
Dans certains cercles politiques à Kinshasa, cette réaction du Rwanda est perçue comme un aveu : Constant Mutamba, connu pour ses prises de position virulentes contre l’agression rwandaise dans l’Est du pays, constituait une gêne majeure pour Kigali. L'affaiblir, c’est potentiellement faire taire une voix discordante dans le concert institutionnel congolais.
Dès lors, des soupçons surgissent : cette mise en accusation est-elle purement judiciaire, ou s’agit-il d’une opération politique habilement maquillée ? Le timing interroge : en pleine guerre dans l’Est, alors que la RDC lutte pour préserver sa souveraineté, faut-il affaiblir un ministre qui se positionne comme un rempart idéologique contre Kigali ?
Le ministre Mutamba est frappé d’une interdiction de quitter Kinshasa, sur instruction du procureur général Firmin Mvonde. Officiellement, il est visé pour des irrégularités présumées dans la procédure de passation de marché de construction d’un centre pénitentiaire.
Mais dans les coulisses, certains y voient une élimination politique déguisée. Une justice utilisée comme levier pour reconfigurer les équilibres de pouvoir internes.
Et si tel est le cas, Kinshasa risque de s’être tiré une balle dans le pied. Car affaiblir l’un des rares ministres à dénoncer l’influence rwandaise, c’est potentiellement renforcer les positions de Kigali. Ce que ce dernier ne cache d’ailleurs pas.
En autorisant ces poursuites dans un contexte aussi inflammable, l’Assemblée nationale congolaise a-t-elle pris toute la mesure des enjeux ? Rien n’interdit à la justice de faire son travail. Mais dans une situation de guerre, toute décision politique ou judiciaire doit être pesée à l’aune de ses conséquences stratégiques.
Le président Félix Tshisekedi perd-il un ministre, ou un bouclier contre l’influence étrangère ? La question reste posée. Une chose est sûre : Kigali, lui, a déjà sa réponse.
Rédaction